Emploi : ils galèrent en France, ils percent à l’étranger

Expatriation. La vingtaine, diplômé ou non… Un jeune sur quatre dit vouloir tenter sa chance à l’étranger. Première expérience ou volonté d’exil ? Le phénomène s’amplifie.

David, diplômé de Kedge Business School, a refusé un CDD et est parti en Australie
David, diplômé de Kedge Business School, a refusé un CDD et est parti en Australie

    A la question « Où se situe votre avenir professionnel ? », plus d’un jeune diplômé en France sur quatre (27 %) répond : « A l’étranger », selon le Baromètre 2014 de l’humeur des jeunes diplômés réalisé par le cabinet Deloitte. Il y a deux ans, interrogés dans le cadre de la même étude, seuls 13 % d’entre eux envisageaient une expatriation professionnelle pour commencer leur carrière.

    Que s’est-il passé en deux ans ?

    Une flambée du chômage. Depuis mai 2012, la France compte 510 000 demandeurs d’emploi supplémentaires et les jeunes ne sont pas épargnés. « Le développement de l’expatriation professionnelle des Français s’inscrit dans une dynamique mondiale et constitue une évolution naturelle, qui bénéficie à l’économie française in fine. Pour autant, il serait illusoire d’ignorer que cette mobilité internationale accrue est encouragée par une moindre attractivité du marché du travail », notent les députés Luc Chatel (UMP) et Yann Galut (PS), dans un rapport publié en octobre sur « L’Exil des forces vives de France ».

    Autrement dit, lorsqu’un jeune sur quatre environ est demandeur d’emploi en France, rien d’étonnant à ce que les plus mobiles ou les plus intrépides décident d’aller tenter leur chance ailleurs. Un phénomène d’autant plus marquant que les jeunes Français, pas toujours à l’aise avec les langues étrangères, avaient tendance à se montrer plus casaniers que leurs voisins européens.

    Un atout pour le pays... s’ils reviennent...

    Et cette tendance ne concerne pas que les « jeunes ». Selon le ministère des Affaires étrangères, le nombre d’expatriés de tous les âges a augmenté de 14 % depuis 2008. Faut-il y voir une perte sèche pour le pays ? Ou un atout dans un monde globalisé ? Selon Yann Le Provost, président de l’Union des Français à l’étranger,

    « ce n’est pas seulement une fuite. Ceux qui partent deviennent les ambassadeurs de notre pays ».

    Surtout, même si cela reste difficile à chiffrer, la plupart des ces oiseaux migrateurs rentrent après quelques années. Réinvestissement financier, partage d’expérience… les retombées positives sont nombreuses pour l’Hexagone. A condition qu’ils rentrent, effectivement.

    « La transition entre les études et l’emploi est plus difficile qu’avant »

    Jean-Christophe Dumont, spécialiste des migrations

    Responsable de la division migrations internationales de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), Jean-Christophe Dumont analyse les ressorts du développement de l’expatriation des jeunes Français.

    Pour quelles raisons de plus en plus de jeunes s’expatrient-ils pour travailler ?

    JEAN-CHRISTOPHE DUMONT. Ces départs ont d’abord un motif positif : les jeunes, notamment les plus diplômés, ont conscience qu’une expérience à l’international constitue un atout, si ce n’est un passage obligé pour trouver un emploi stable en France. La demande vient d’ailleurs des employeurs et les dispositifs pour favoriser ces expériences comme le VIE ou les programmes Erasmus fonctionnent bien. Le tout sur fond de mondialisation à la fois des systèmes éducatifs et du monde de l’entreprise. De plus, la précarité, à un moment où les jeunes doivent souvent enchaîner les stages et les contrats courts, n’incite pas à rester.

    La France est-elle de moins en moins attractive ?

    La transition entre les études et l’emploi est plus difficile qu’avant, cela pousse à regarder ailleurs. C’est particulièrement le cas pour les enfants d’immigrés : ils n’ont pas les réseaux nécessaires pour accéder aux emplois qu’ils visent et considèrent qu’il y a trop d’obstacles en France. Pour autant, le pays reste attractif dans de nombreux secteurs, comme les nouvelles technologies, la recherche, l’industrie. Il faut surtout arriver à mettre en valeur nos atouts.

    Faut-il s’inquiéter de cette « fuite » à l’étranger ?

    Le nombre de jeunes qui s’expatrient va croissant, mais il reste raisonnable comparé aux autres pays de l’OCDE. Pour l’instant, nous rattrapons à peine notre retard, avec un taux d’expatriation de 5 %, alors qu’il est de 8 % en Allemagne ou de 10 % au Royaume-Uni. Mais il faut suivre attentivement ces trajectoires, car nous aurons des réponses dans les trois prochaines années. Soit les Français qui partent finissent par revenir, auquel cas ce serait une bonne nouvelle car ils rapporteront des compétences acquises ailleurs. Soit le chiffre des départs continue de croître, sans retour. Là, il faudra sérieusement s’inquiéter.

    Elsa Mari &

    Shahzad Abdul

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